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Les 10 règles d’or de la restauration corallienne

Les 10 règles d’or de la restauration corallienne
Publié par Aurélie Brulle | Publié le 1 August 2024

Remerciements à Margaux Hein, Kate M. Quigley et à David J. Suggett.

La restauration corallienne est de plus en plus répandue, un peu partout dans le monde, souvent à de petites échelles. Néanmoins, pour avoir des initiatives durables, avec des résultats probants (autant d’un point de vue biologique que social et économique), il faudrait des principes généraux applicables et adaptables aux différents contextes

Ces 10 règles d’or existent pour la reforestation terrestre (DiSacco et al., 2021), or les récifs coralliens sont souvent comparés aux forêts tropicales, que ce soit en termes de biodiversité ou de complexité fonctionnelle (Reaka-Kudla, 1996). C’est pourquoi l’équipe de chercheurs Dr. Kate Quigley et collaborateurs se sont attelés à transposer les 10 règles d’or de la reforestation à la restauration corallienne, publiés dans la revue Conservation Biology. Ces 10 règles peuvent se regrouper sous 3 grands thèmes : 

 

  • la protection des récifs déjà existants,
  • la sélection des coraux et des sites à restaurer,
  • les personnes impliquées et leur façon de travailler ensemble.

Figure 1 : Dix règles pour la restauration des récifs coralliens, chacune remplissant un objectif fonctionnel. L’ordre des règles correspond à l’ordre dans lequel les tâches doivent être considérées lors de la planification et de la mise en œuvre du projet, bien que certaines soient interdépendantes et doivent être considérées en parallèle. La couleur du contour de chaque case correspond à des objectifs fonctionnels (contours verts : règles écologiques ; contours orange : règles socio-économiques). Traduite d’après Quigley et al. (2022).

 

  • La protection des récifs existants (règles 1 “protéger les récifs existants” et 5 “favoriser la récupération naturelle si possible”)

Protéger les récifs devrait toujours être la priorité, avant même la restauration. En effet, l’échelle à laquelle on peut restaurer les récifs est très limitée tandis que les impacts, notamment dus au changement climatique, concernent des surfaces bien plus étendues. Mettre en place des programmes de protections efficaces, surtout vis-à-vis des menaces anthropiques, est critique. 

De plus, lorsque les dégradations atteignent un certain seuil, il y a un risque de basculement de l’écosystème vers un écosystème à dominance algale ou de coraux non scléractiniaires par exemple (Bell et al., 2021). Protéger un récif lui permet également de récupérer plus rapidement après un stress ou de croître sans pression anthropique (Mumby and Harborne, 2010). L’absence d’intervention humaine évite également une sélection forcément artificielle des coraux restaurés (Quigley et al., 2022). Néanmoins, la récupération naturelle ne peut se faire que s’il y a des événements de reproduction sexuée sur un substrat stable, ce que l’être humain peut éventuellement favoriser, mais pas déclencher (dela Cruz and Harrison, 2020).

 

  • Sélection des coraux et des sites à restaurer (règles 3 “augmenter la biodiversité corallienne pour la résilience”, 4 “choisir les récifs appropriés”, 6 “sélectionner les espèces coralliennes pour maximiser la diversité fonctionnelle”, 7 “utiliser du matériel résistant”, 8 “planifier en avance les infrastructures”) 

Restaurer un récif demande beaucoup d’efforts, notamment financiers et humains. Il faut donc sélectionner les récifs à restaurer avec soin, en prenant en compte :

  • leur chance de survie face à de futures perturbations (réchauffement climatique, perturbations météorologiques comme des tempêtes, …),
  • leur connexion avec d’autres récifs ou écosystèmes comme les mangroves, 
  • leur intérêt à long terme pour les humains (pêche, tourisme, …),
  • leur intégration dans une protection à plus grande échelle,
  • l’absence de conflits vis-à-vis du récif (règle 2).

Le choix des espèces à restaurer doit absolument prendre en compte l’écologie locale. Il faut ensuite sélectionner des espèces avec des taux de croissance importants, ainsi que des formes et rôles fonctionnels variés. Des guides permettant la sélection de ces espèces commencent à être publiés (Madin et al., 2021 ; Shaver et al., 2020).

En effet, la récupération des récifs coralliens est liée à la complexité du substrat, c’est-à-dire la tridimensionnalité des fonds marins. Plus la complexité structurelle du récif est importante, meilleure est la récupération à la suite d’une perturbation (Graham and Nash, 2013). La biodiversité du récif doit permettre une forte complexité structurelle pour créer un refuge et un habitat pour de nombreuses espèces. Cela passe par un choix de groupes fonctionnels différents et de coraux de formes différentes, qui génèrent des abris pour des organismes très variés.

Pour restaurer les récifs coralliens et augmenter la couverture corallienne, l’une des techniques consiste à utiliser des fragments de coraux vivants issus du bouturage ou de la multiplication asexuelle. Pour améliorer cette prolifération, l’utilisation de nurseries est généralement très efficace (Stewart-Sinclair et al., 2021). A grande échelle, cette technique est chère et risquée sur le long terme, car il y a peu de diversité génétique. Or maintenir une grande diversité génétique favorise la reproduction sexuelle et augmente la probabilité d’obtenir des larves plus résistantes, notamment à la chaleur. Pour favoriser la reproduction sexuée, diverses techniques existent (par exemple Forsman et al., 2015 ; O’Neil et al., 2021) mais ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre, car elles impliquent des coûts financiers importants, des connaissances techniques poussées et des infrastructures adaptées.

 

  • Travail en collaboration (règles 2 “travailler ensemble”, 9 “apprendre par la pratique” et 10 “faire payer”) 

Chaque récif aura des particularités à prendre en compte, ainsi, même si des guides existent, ils doivent toujours être adaptés localement (Hein et al., 2020 ; Shaver et al., 2020 ; Goergen et al., 2020). Pour cela, il est primordial d’impliquer les différentes parties prenantes locales et de stimuler l’échange avec des experts internationaux. Cela permet notamment que la conception et l’exécution du projet prennent en compte la réalité du terrain, ainsi que les connaissances complémentaires des acteurs. Les communautés locales sont les gardiens du récif, qui leur appartient. De ce fait, ils ont une connaissance traditionnelle et ancestrale qui doit être intégrée au processus de protection et de restauration De plus, les bénéfices pourront être répartis de façon équilibrée et la gestion d’éventuels conflits sera plus facile. De nombreux exemples de collaborations entre associations et locaux voient le jour avec succès ! C’est notamment le modèle qu’a choisi Coral Guardian.

Avant qu’un projet ne se fasse à grande échelle, il est plus efficace de commencer à petite échelle, de faire des tests et d’avoir une approche itérative (étude pilote, puis changement d’échelle, avec objectifs à long terme et un planning fait en avance). Le fait de faire les choses étape par étape, sans vouloir aller trop vite, permet également de gagner la confiance du public (Quigley et al., 2022). Pour qu’un projet se maintienne dans le temps, il est important d’avoir un apport financier constant, qui passe souvent par le soutien du public, de mécènes ou des collectivités locales.

 

Conclusion

La restauration corallienne est de plus en plus répandue, mais son efficacité n’est pas similaire partout, certains récifs ne survivent pas à long terme (Boström-Einarsson et al., 2020). Encore récente, cette approche de restauration des coraux peut s’appuyer sur les décennies de travaux similaires effectués dans la reforestation terrestre notamment. L’application de ces 10 règles d’or, inspirées de recommandations pour les systèmes terrestres, et une coordination à plus grande échelle des associations et gouvernements notamment, permettrait peut-être de restaurer efficacement les récifs coralliens et de permettre à certains de survivre dans un contexte de changement climatique.

 

Références : 

Quigley K.M., Hein M., Suggett D.J. 2022. Translating the 10 golden rules of reforestation for coral reef restoration. Conservation biology. 36(4), e13890.
Bell J.J., Micaroni V., Strano F., 2021. Regime shifts on tropical coral reef ecosystems: future trajectories to animal-dominated states in response to anthropogenic stressors. Emerg. Top. Life Sci. 6, 95-106. 
Boström-Einarsson, L., Babcock, R.C., Bayraktarov, E., Ceccarelli, D., Cook, N., Ferse, S.C.A., Hancock, B., Harrison, P., Hein, M., Shaver, E., Smith, A., Suggett, D., Stewart-Sinclair, P.J., Vardi, T., McLeod, I.M., 2020. Coral restoration – A systematic review of current methods, successes, failures and future directions. PLOS ONE 15, e0226631.
dela Cruz D.W., Harrison P.L. 2020. Enhancing coral recruitment through assisted mass settlement of cultured coral larvae. PLoS ONE 15, e0242847. 
DiSacco A., Hardwick K.A., Blakesley D., Brancalion P.H S., Breman E., Rebola L.C., Antonelli A. 2021. Ten golden rules for reforestation to optimise carbon sequestration, biodiversity recovery and livelihood benefits. Global ChangeBiology. 27(7), 1328-1348.
Forsman Z.H., Page C.A., Tooned R.J., Vaughan D. 2015. Growing coral larger and faster: Micro-colony-fusion as a strategy for accelerating coral cover. PeerJ. 3, e1313.
Goergen E., Schopmeyer S., Moulding A.L., Moura A., Kramer P., Viehman T.S. 2020. Coral reef restoration monitoring guide: Methods to evaluate restoration success from local to ecosystem scales. NOAA Technical Memorandum NOS NCCOS 279.
Graham N.A.J., Nash K.L. 2013. The importance of structural complexity in coral reef ecosystems. Coral Reefs 32, 315-326. 
Hein, M. Y., McLeod, I. M., Shaver, E. C., Vardi, T., Pioch, S., BoströmEinarsson, L., Ahmed, M., & Grimsditch, G. 2020. Coral Reef Restoration as a strategy to improve ecosystem services –A guide to coral restoration methods. United Nations Environment Program.
Madin J.S., Madin E. 2015. The full extent of the global coral reef crisis. Conservation Biology, 29(6), 1724-1726.
Mumby P.J., Harborne A.R. 2010. Marine reserves enhance the recovery of corals on Caribbean reefs. PLOS ONE 5, e8657. 
O’Neil K.L., Serafin R.M., Patterson J.T., Craggs J.R K. 2021. Repeated ex situ spawning in two highly disease susceptible corals in the family Meandrinidae. Frontiers in Marine Science. 8, 463.
Reaka-Kudla M.L. 1996. The global biodiversity of coral reefs: A comparison with rainforests, in: Biodiversity II: Understanding and Protecting Our Biological Resources. Joseph Henry Press.
Shaver E.C., Courtney C.A., West J.M., Maynard J., Hein M., Wagner C., …, Koss J. 2020. A manager’s guide to coral reef restoration planning and design. Technical Memorandum CRCP. Coral Reef Conservation Program, National Oceanic and Atmospheric Administration.
Stewart-Sinclair P.J., Klein C.J., Bateman I.J., Lovelock C.E. 2021. Spatial cost–benefit analysis of blue restoration and factors driving net benefits globally. Conservation Biology. 35(6), 1850-1860.

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