La résilience de certains récifs coralliens face au réchauffement climatique
Le blanchissement des coraux
La température de surface de la mer a connu une augmentation de 0,1 °C par décennie au cours du siècle dernier (Levitus et al., 2005; GIEC 2013). L’effet principal du réchauffement climatique sur les coraux est la perturbation de leur relation symbiotique avec une microalgue (la zooxanthelle). En effet, une augmentation des températures conduit les zooxanthelles à produire des dérivés réactifs de l’oxygène qui endommagent l’ADN ce qui peut conduire à diverses maladies. C’est pourquoi, dans son intérêt, l’hôte corallien expulse les microalgues (Lesser, 2006). Or les zooxanthelles sont responsables de la couleur des coraux, cette expulsion laisse donc le corail blanc (Glynn, 1993). Ce phénomène est ainsi appelé « blanchissement des coraux » (Glynn, 1993) (cf Fig.1). En raison des nombreux avantages perdus (protection, nourriture…) le blanchissement entraîne souvent la mort des coraux (Eakin et al., 2010; De’ath et al., 2012; Hughes et al., 2018).
Figure 1 : Différentes conditions de santé de Mussimilia hispida dans la région subtropicale du Sud-Ouest de l’Atlantique. aColonie saine, bLégèrement blanchie et cSévèrement blanchie (Source : Banha et al., 2019)
Les récifs des régions subtropicales sont soumis à des conditions de vie marginales par rapport aux récifs tropicaux (températures annuelles plus basses par exemple). Les récifs qui arrivent à prospérer dans ces conditions océanographiques intolérables pour la plupart des autres récifs sont appelées « communautés coralliennes marginales (CCM) ».
La résilience des coraux au sein des communautés coralliennes marginales
Les récifs subtropicaux de l’Atlantique Sud-Ouest, près du Brésil, forment une CCM et ont fait l’objet d’une étude dans deux types de zones : côtières et insulaires (Banha et al., 2019). Ces récifs se trouvant plus loin de l’équateur que les récifs tropicaux, ils vivent justement dans des conditions marginales (turbidité accrue et grandes fluctuations de température notamment (Valentim et al., 2013; Melo Ju’nior et al., 2016; Mies et al., 2018). Le corail Mussismilia hispida en est une espèce endémique.
En février 2019, les populations de M. hsipida ont connu une grande vague de chaleur dans la région Sud-Ouest subtropicale de l’Atlantique (18,5°C-semaine pour les régions côtières et 20,5°C-semaine pour les régions insulaires). Ces valeurs sont les plus hautes jamais enregistrées, pas seulement pour la région subtropicale du Brésil, mais pour l’ensemble de l’Atlantique du Sud. En conséquence la population de corail Mussilmilia hispida (1119 colonies étudiées) a subi un blanchissement d’environ 80% sur les sites côtiers et 20% pour les sites insulaires.
Habituellement, le blanchissement de corail provoque une mortalité de masse, par exemple au Nord-Ouest de l’Australie où 13°C-semaine ont causé une mortalité de 70 à 90 % de la population (Gilmour et al., 2013). Or, malgré ce fort épisode de blanchissement, la mortalité fût de seulement 2% pour les CCM brésiliennes étudiées.
Une telle faible mortalité pourrait s’expliquer par des caractéristiques propres à M. hispida telles qu’une épaisseur de tissu plus élevée (Loya et al., 2001; Schlo & D’Croz, 2004) ou encore à la capacité de changer son alimentation pour parer à la fin de la symbiose (Mies et al., 2018). Les conditions marginales subtropicales auxquelles ces coraux sont habitués pourraient aussi leur conférer une tolérance au stress thermique supplémentaire (Oliver & Palumbi, 2011; Pandolfi et al., 2011). Cette étude (Banha et al., 2019) montre que même si cette communauté de coraux est sensible au blanchissement, elle est remarquablement tolérante et résiliente.
Les refuges climatiques sont essentiels à la survie des récifs coralliens en période de réchauffement climatique (Kiessling, 2009; Greenstein & Pandolfi, 2008). De telles CCM devraient donc être considérées comme des zones prioritaires pour la conservation.