La nature au temps du COVID-19 : pollution sonore et récifs coralliens
Quelles sont les principales sources de bruit dans le milieu marin ?
Le bruit dans les environnements marins est le résultat de la dynamique des écosystèmes, qui comprend les systèmes naturels et humains (Hildebrand, 2009). Parmi les sources naturelles de bruit, il y a les tremblements de terre, les précipitations, les vagues et aussi les sons produits par les animaux. En fait, dans les écosystèmes marins le son est l’un des moyens les plus efficaces pour la communication des organismes et pour obtenir des informations sur leur environnement (NOAA, 2020).
D’autre part, les sources sonores anthropiques sont liées au moteur des navires pour la navigation commerciale ou les activités récréatives (plongée, croisières). Ils comprennent également l’utilisation de radars pour la pêche, ou l’exploitation minière en haute mer entre autres (Slabbekoorn et al, 2010). Le bruit devient de la «pollution» lorsqu’il est généré par l’homme et qu’il interfère négativement avec la faune ou les humains (Jain et al, 2016).
Quels sont les principaux effets de la pollution sonore sur la faune marine ?
La plupart des bruits marins provenant des activités humaines sont de basse fréquence (Hildebrand, 2009). Ce type de bruit peut se propager sur de longues distances, augmentant le masquage acoustique dans les écosystèmes, qui est essentiellement l’interférence dans la transmission et la perception du son, et il peut affecter les processus essentiels des espèces (Clark et al, 2009).
En fait, cela peut entraîner des transformations comportementales pour certaines espèces (Peng et al, 2015), telles que des changements dans les messages émis (Rice et al, 2014). La littérature montre que les endroits fortement pollués par le bruit anthropique ont tendance à être évités par des espèces telles que les tortues vertes (DeRuiter, 2012), les harengs (Schwartz et Greere, 1984) ou les cétacés (Campana et al, 2015).
Qu’en est-il des effets sur les récifs coralliens ?
Quant aux récifs coralliens, ce sont des écosystèmes naturellement bruyants. Les invertébrés (par exemple les homards, les bernard-l’hermites) et les poissons produisent des sons liés à des activités vitales telles que manger (les poissons perroquet sont des mangeurs particulièrement désordonnés), s’accoupler, défendre leur territoire (Université de Rhode Island, 2001) ou se synchroniser pendant les épisodes de ponte (Shärer et al , 2012).
Les recherches effectuées sur les effets des bruits de bateaux sur les récifs coralliens montrent que ces derniers peuvent ralentir la réponse de certains poissons de récif face à un prédateur, conduisant à une prédation plus élevée (Simpson et al, 2016). En plus, cela peut entraîner une diminution du recrutement des poissons de récif et des larves de corail, peut-être en raison d’une plus grande difficulté à «entendre» et à trouver un récif pour s’y installer (Holles et al, 2013; Lilis et al, 2018).
Voilà la vue d’ensemble de la pollution sonore dans les écosystèmes marins, mais comment est-elle liée au défi actuel posé par le COVID-19 dans le monde ?
Depuis la propagation du COVID-19, la plupart des activités humaines qui ont généralement lieu ont maintenant cessé plus longtemps que d’habitude, ce qui a entraîné un changement rapide et radical dans la façon dont la population humaine occupe la Terre. Le résultat n’est pas seulement dû au fait qu’il y ait moins de personnes qui se déplacent, mais aussi car la pollution liée au fonctionnement de la société a également diminué (Collins, 2020).
L’Observatoire Royal de Bruxelles (Belgique) a montré une diminution d’1/3 du bruit anthropique continental dû au confinement lié au COVID-19 (Gibney, 2020). Cela a ouvert une possibilité d’enregistrer des bruits sismiques mineurs qui étaient auparavant inaudibles.
Concernant les activités maritimes, le secteur des transports a fortement chuté depuis le début de la propagation du COVID-19 (Berti, 2020). C’est le cas du transport de pétrole, car la Chine est parmi les plus grands importateurs mondiaux et sa restriction économique a eu un fort effet. Parallèlement, la demande de biens et services non essentiels a considérablement chuté, s’attaquant ainsi au trafic maritime (Berti, 2020). Tout comme la diminution du bruit d’origine humaine a touché les surfaces terrestres, la réduction du transit maritime aurait pu entraîner une diminution de la pollution sonore dans le milieu marin. Il y a déjà quelques efforts de recherche à ce sujet (Barclay, 2020), et même si c’est encore assez récent pour nous, la faune marine semble avoir déjà donné sa réponse face à ces changements.
Dans une vague spontanée de sciences participatives, des personnes du monde entier ont enregistré et partagé des vidéos où la faune marine est apparue dans des endroits inattendus. C’est le cas de groupes de dauphins qui sont apparus près des plages des villes de Carthagène et Santa Marta dans les Caraïbes colombiennes, épicentre du tourisme et des transports maritimes, avec un recencement rare de dauphins habituellement. Puis, en mer Méditerranée, des rorquals et des requins ont été enregistrés dans le Parc National des Calanques sur les côtes françaises.
Pourquoi cela arrive-t-il ?
Eh bien, une des hypothèses serait qu’il y a en fait plus d’animaux qui colonisent les «espaces humains», désormais disponibles. Une combinaison de facteurs pourrait justifier ces apparitions incluant non seulement une diminution du bruit, mais aussi une baisse de la pollution atmosphérique et de l’occupation humaine. Ces enregistrements mettent clairement en évidence le fait que les conditions environnementales et les espèces réagissent rapidement aux actions des gouvernements et des citoyens, et que ces efforts peuvent réellement contribuer à la restauration des écosystèmes.
La propagation du COVID-19 est un grand défi pour l’humanité. Mais c’est aussi une chance de s’adapter et de penser à la société et au monde dans lesquels nous voulons vivre après cette crise (ou même pendant !). La biodiversité n’est pas un sujet éloigné pour l’homme, tout au contraire, nous en faisons partie et les changements dans nos façons de nous déplacer et de vivre peuvent produire des transformations rapides, positives et/ou négatives, sur les espèces et les écosystèmes. Dans le monde entier, les écosystèmes et les espèces sont confrontés à une grande quantité de stress imposé par les activités humaines, et c’est à l’humanité, dans son ensemble, à travers nos activités et nos choix, de définir la direction de ce changement.