La Grande Barrière de corail – Vers l’effondrement d’un écosystème ?
Les récifs coralliens, véritables mosaïques sous-marines nous offrent un spectacle sans pareil lors de chaque plongée. Souvent comparés aux forêts tropicales pour leur diversité exceptionnelle, les écosystèmes coralliens abritent aujourd’hui plus d’un quart des espèces marines, avec près de 4000 espèces de poissons recensées. Outre cet intérêt écologique, les récifs coralliens ont un rôle économique, social et culturel majeur pour plus de 500 millions de personnes à travers le monde.
Cependant, malgré les biens et services économiques et écologiques qu’ils génèrent, ces écosystèmes sont menacés par divers facteurs de stress – aussi bien à une échelle locale (surpêche et pratiques de pêche destructrices, pollutions marines, pression touristique, développement côtier, etc.) que par des pressions globales telles que l’acidification du milieu marin et l’augmentation de la température de surface des océans. Or, les organismes coralliens sont très sensibles aux modifications environnementales de leur milieu de développement. Ainsi, sur le long terme, ces facteurs de stress peuvent mener à la rupture de la relation symbiotique qui lie l’animal-le corail à ses symbiotes unicellulaires, les algues – qui lui fournissent les nutriments nécessaires à sa survie. Ce phénomène, appelé « blanchissement » est caractérisé par l’apparence blanchâtre de l’organisme corallien – dépourvu de ses algues ou de ses pigments photosynthétiques. Un blanchissement saisonnier et naturel du corail est généralement observé lorsque la température du milieu marin excède les moyennes maximales saisonnières (une augmentation de +1-2°C suffit), sur une courte période de temps, variable en fonctions des régions étudiées.
Or, depuis les années 1980, l’augmentation de la durée, de la fréquence, de la sévérité et de l’extension du blanchissement corallien est observée dans les océans du monde entier. Le réchauffement climatique combiné à un renforcement du phénomène climatique El nino ainsi qu’aux facteurs de stress locaux en sont la cause.
A ce jour, la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) a déclaré trois épisodes de blanchissement majeurs dont le premier signalé en 1998, suivi d’un second en 2010 et enfin l’évènement catastrophique de 2015-2016 (qui a perduré jusqu’en 2017). Ce dernier épisode de blanchissement, et plus particulièrement ses répercussions dramatiques sur la Grande Barrière de corail en Australie – la plus grande structure construite par des organismes vivants (2300 km) – a fait l’objet d’une récente publication dans la revue Nature.
Au terme de l’année 2015, 41% des récifs coralliens à travers le monde avaient été exposés à une anomalie de température équivalente ou supérieure à 4°C. Durant la vague de chaleur de 2015-2016, l’étendue du blanchissement était fortement corrélée aux températures enregistrées à un site donné. Sur la Grande Barrière de corail, certains récifs ont subi une anomalie de 1°C à 8°C au-dessus des moyennes saisonnières, engendrant des mortalités variables de 30 à 80% des colonies coralliennes sur certaines zones.
De manière globale, les chercheurs ont souligné une perte de 30% de la couverture corallienne sur la totalité de la Grande Barrière en l’espace de huit mois (mars-novembre 2016). Cet événement de blanchissement exceptionnel a donné lieu à un changement drastique et sans précédent de l’assemblage et de la diversité des espèces coralliennes, dont les colonies tabulaires et branchues (genres : Acropora, Seriatopora et Stylophora), abri fondamental pour de nombreuses espèces de poissons et éléments structurels complexes du récif, furent les plus affectées.
Les hécatombes massives de colonies coralliennes comme celles constatées sur la GBR sont un exemple alarmant qui souligne l’urgence d’agir afin de limiter l’effondrement des écosystèmes marins et terrestres. Des actions globales, au niveau des instances politiques doivent être entreprises. Cependant, c’est réellement par un changement de notre mode de vie (limitation des émissions de gaz à effets de serre ; transformation progressive de notre régime alimentaire) que nous pourrons, ensemble, contribuer et construire un avenir dont bénéficieront les écosystèmes de notre planète et les générations futures.
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