La crème solaire qui protège les océans existe-t-elle vraiment ?
Cet été, c’est le sujet dont tout le monde parle… La crème solaire est-elles nocive pour les océans ? Comment se protéger des rayons U.V sans nuire aux écosystèmes marins ? Peut-on faire confiance aux produits dits « respectueux des océans » ? Nous avons interrogé notre équipe de scientifiques pour faire le point sur les études menées sur le sujet, tenter de répondre le plus clairement possible à ces questions.
Impact des crèmes solaires sur l’environnement
Environ 25 000 tonnes de crème solaire seraient déversées chaque année dans les océans. Plusieurs biologistes, après avoir remarqué la dégradation de récifs coralliens sur les lieux les plus populaires auprès des touristes, se sont intéressés à l’impact des crèmes solaires sur ces écosystèmes.
Plusieurs études ont donc été menées en laboratoire et en milieu naturel, bien que les résultats de ces dernières soient plus difficiles à interpréter. Publiée en 2008 dans le journal de l’Environmental Health Perspect, l’étude du professeur Danovaro menée in situ dans les océans Atlantique, Indien et Pacifique et dans la mer Rouge ainsi qu’en laboratoire marque les prémices de la recherche sur l’impact de la crème solaire. Elle prouve que certains filtres chimiques contenus dans les crèmes pour filtrer les UV dont l’ethylhexylmethoxycinnamate, le benzophenone-3 (ou oxybenzone), le 4-methylbenzylidene camphre et le butylparaben, peuvent stimuler le développement d’infections qui détruisent la zooxantelle, une microalgue qui vit en symbiose avec le corail et qui est nécessaire à son développement. Ce qui provoque le blanchissement du corail, et à terme, sa disparition.
En 2015, le biologiste Craig Downs, avec son équipe de chercheurs venus d’agences gouvernementales et d’universités américaines, a à son tour publié une étude menée à Hawaii dans la revue « Archives of Environmental Toxicology ». Il affirme que l’oxybenzone ainsi que d’autres produits chimiques représentent la troisième menace pour les récifs coralliens, après les changements climatiques et la pollution. Il peut nuire au corail vivant dans des concentrations aussi petites que 62 parties par trillion, soit l’équivalent d’une seule goutte d’eau dans six piscines de taille olympique.
Cette année, il est allé encore plus loin dans ses recherches. Il a retrouvé des traces des produits chimiques issus de protections solaires dans les tissus de mammifères marins, dans les poissons, l’eau et le sable autour de plusieurs îles des Caraïbes. Les nouveaux résultats incluent la découverte d’un écran solaire en aérosol sur le sable de la plage, qui se retrouve dans l’océan pendant la marée haute et constitue une menace pour la nidification et les bébés de tortues, ainsi que pour le développement des coraux, des oursins et des étoiles de mer. L’exposition répétée à l’oxybenzone modifie aussi l’ADN du corail, entraînant une mutation mortelle provoquée par des excroissances de son squelette qui l’ étouffent à l’intérieur.
Cela laisse perplexe quant aux effets que ces produits pourraient avoir sur nous et nos enfants au long terme. L’oxybenzone est d’ailleurs officiellement reconnu comme perturbateur endocrinien, ce qui prouve qu’il est potentiellement dangereux pour les humains. Que ce soit pour votre santé ou celle des océans, il est donc important d’être vigilant sur les produits que vous utilisez.
Faire le choix de protections responsables
Vous l’aurez compris, l’oxybenzone compte parmi les filtres UV les plus nocifs pour l’environnement. Pourtant, il se trouve dans plus de 3 500 produits de protection solaire dans le monde entier.
Notre conseil est donc de bien vérifier la composition du produit que vous choisirez. En règle générale, il est préférable de se tourner vers des crèmes bio sans nanoparticules qui contiennent des filtres UV minéraux et qui sont généralement moins dommageables pour l’environnement que les filtres chimiques. Il s’agit de filtres naturels, comme le dioxyde de titane ou l’oxyde de zinc, qui réfléchissent les UV plutôt que de les transformer. Ces protections sont reconnaissables car elles laissent momentanément des traces blanches sur la peau.
Attention aux marques peu scrupuleuses qui jouent de l’absence de règlements sur la terminologie et qui souhaitent induire les consommateurs en erreur. Vous pourrez voir des mots comme «naturelle», « eco-responsable » ou «respectueuse des océans» dans le nom ou la description de produits très toxiques. En effet, certaines marques ajoutent des minéraux ou des ingrédients organiques dans la formulation pour camoufler la présence d’ingrédients actifs dangereux pour votre santé et pour l’environnement. Attention donc au greenwashing, ou plutôt au bluewashing !
Notre meilleur conseil reste tout de même de minimiser l’utilisation des produits solaires en optant pour des réflexes basiques : éviter de s’exposer au soleil aux heures les plus chaudes, rester à l’ombre ou se couvrir avec des tee-shirts anti UV, lycras, chapeaux et autres habits à manches longues.
Le corail, lui, a déjà trouvé sa solution : le mucus qu’il produit est beaucoup plus puissant que toutes les crèmes solaires indice 50 existantes sur le marché !
Légiférer sur l’usage de ces protections
Une chose est claire : l’utilisation de produits contenant de l’oxybenzone doit être sérieusement délibérée par les autorités concernées dans les îles et les zones où la conservation des récifs coralliens est un problème majeur.
Certains États insulaires des Caraïbes envisagent par exemple d’interdire les écrans solaires nuisibles. Le sénateur hawaïen, Will Espero, a par exemple déposé une proposition de loi le 20 Janvier 2017 visant à interdire les crèmes solaires contenant certains produits chimiques comme l’oxybenzone à Hawaii. Ce projet pourrait aboutir malgré de fortes réticences des industriels. (https://blog.surf-prevention.com/2017/03/20/hawaii-interdiction-cremes-solaires-chimiques/)
Au Mexique, c’est déjà fait. (http://www.playadelcarmentours.com/biodegradable-sunscreen-xel-ha-xcaret.htm) Pour se baigner dans les eaux de certains parcs naturels du sud-est, vous devez prouver que vous utilisez uniquement de la crème solaire biodégradable.
L’enjeu sanitaire et environnemental lié aux crèmes solaires est donc bien réel. Pour le régler, il existe des solutions au-delà des campagnes marketing : la légifération. La France, qui possède l’un des plus grands patrimoines maritime au monde, répartis entre 3 océans, serait légitime pour lancer le mouvement. Et si on commençait par interdire les produits toxiques dans une de nos belles réserves naturelles ? Make Ocean Great Again ? L’appel est lancé.
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