Comment les rats affectent la productivité au sein des récifs coralliens
En zones tropicales, l’introduction du rat par l’homme a décimé les populations d’oiseaux marins. Ces dernières jouent un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes terrestres et aquatiques, dont les récifs coralliens.
Le changement climatique et autres perturbations liées aux activités humaines engendrent de profonds changements écologiques au sein des milieux terrestres, des zones de transition côtières (e.g. : les estuaires, les mangroves ou les cours d’eau) qui peuvent, par la suite, menacer la biodiversité et la résilience d’autres milieux, dont les écosystèmes marins. Certaines espèces animales, comme le saumon ou encore la tortue et l’hippopotame, jouent un véritable rôle de « liens » entre écosystèmes, en transportant une quantité importante de nutriments et de matière organique, influençant à terme la productivité et le fonctionnement d’un autre milieu. Cependant, les implications de ces dynamiques naturelles ont été très peu étudiées, particulièrement dans des milieux où l’homme a perturbé les “liens” entre écosystèmes, en diminuant la présence de certaines espèces ou/et en favorisant l’introduction de nouveaux prédateurs. Par exemple, en se nourrissant au large des côtes, les espèces d’oiseaux marins tropicaux (e.g.: les sternes, les frégatidés, les sulidés) jouent un rôle clé dans le fonctionnement de plusieurs biotopes. En déplaçant des volumes notables de nutriments, via leurs fientes, vers les milieux insulaires, elles favorisent la productivité de la faune et de la flore. En zones tropicales, l’introduction du rat (Rattus rattus) par l’homme décime les populations d’oiseaux marins et menace la biodiversité et la productivité des écosystèmes, dont les récifs coralliens.
Les populations d’oiseaux marins jouent un véritable rôle de fertilisateurs au sein des écosystèmes
Une équipe de chercheurs internationale s’est penchée sur la problématique de l’archipel de Chagos dans l’océan Indien, où certaines îles sont infestées par des rats noirs (Rattus rattus) et d’autres non. L’étude, parue dans la revue Nature du mois de juillet 2018, démontre que la densité d’oiseaux marins ainsi que leurs taux de déposition d’azote, via leurs fientes, étaient largement supérieures (respectivement 760 et 251 fois) dans les territoires où les rats n’étaient pas présents (e.g. :taux de prédation faible). Les chercheurs ont ainsi relevé des valeurs d’enrichissement en azote plus importantes dans les sols, arbustes mais également dans les algues et dans certaines espèces de poissons et éponges au sein des récifs localisés aux abords des îles dépourvues de rats. Par ailleurs, l’apport de nutriments dérivés des fientes d’oiseaux marins favoriserait la productivité des récifs coralliens, en stimulant la croissance et la biomasse des poisson-demoiselles (Pomacentridé). Les taux de certaines fonctions clés de l’écosystème corallien, dont la bioérosion et la prédation étaient également plus élevés dans les récifs adjacents aux îles dépourvues de rats.
Des conséquences importantes pour la résilience des écosystèmes coralliens ?
Ces résultats mettent en lumière les liens étroits existant entre écosystèmes ainsi que l’influence de l’introduction d’une nouvelle espèce (un prédateur) sur le fonctionnement et la productivité des milieux insulaires et marins. Des conséquences importantes peuvent en découler. Lors des événements de blanchissement de 2016, l’archipel de Chagos avait perdu 75 % de sa couverture corallienne. Les auteurs de l’étude suggèrent que les récifs coralliens adjacents aux îles dépourvues de rats seraient plus résilients au stress de température en comparaison aux récifs situés proches des îles infestées. L’une des causes probables résulte des quantités importantes de phosphore présentes dans les fientes d’oiseaux, un élément qui favoriserait la résistance du corail face aux chocs thermiques.
À l’heure où les récifs coralliens sont menacés par divers facteurs de stress, l’éradication des rats en zones tropicales devrait représenter une des priorités des programmes de conservation pour offrir à ces écosystèmes une chance supplémentaire de résister aux futures perturbations.
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